Informations historiques

Le premier laboratoire de Wimereux (1874)

En 1872, Alfred Giard (1946-1908), jeune normalien, est nommé à la Faculté des sciences de Lille. Il crée rapidement l’Institut de zoologie de Lille, puis, travaillant principalement sur les organismes marins, il cherche un pied-à-terre au bord de la mer. Son choix se porte sur Wimereux. Il explique ce choix d’un côté par la présence de la gare de Wimille, qui venait d’être construite et rendait le voyage plus aisé, et d’un autre côté par la « richesse zoologique d’une côte » en relation avec les terrains jurassiques du Boulonnais. C’est ainsi qu’il crée la station zoologique de Wimereux en 1874. Il loue à des particuliers un chalet situé au milieu des dunes (figure 1), utilisé pendant les congés universitaires, et accueillant les étudiants et les professeurs. Des aquariums permettent de conserver vivants certains organismes prélevés sur l’estran. En 1888, Giard est nommé à la Sorbonne à la Faculté des Sciences de Paris. En plus du laboratoire parisien qu’il fonde à cette occasion, il tient à rattacher la station de Wimereux à la Faculté des Sciences de Paris, malgré l’opposition de son successeur.

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Figure 1: Reproduction d’un dessin (Vaillant) datant de 1877 avec la première station de Wimereux au milieu des dunes 

La station zoologique du Portel (1888 puis 1900)

Le premier laboratoire du Portel (1888-1900). Alfred Giard est remplacé en 1888 à la chaire de zoologie de Lille par son suppléant, Paul Hallez (1846-1938). Devant le refus de Giard de céder la station de Wimereux, Hallez se met à son tour à la recherche d’un site pour accueillir les étudiants lillois. Il choisit le port du Portel, situé à 2 km de Boulogne-sur-mer. Il y loue à partir de 1888 « une bicoque basse et étroite » permettant d’accueillir les installations et les étudiants, pendant les congés universitaires. En 1890, la faculté acquiert un navire, le Béroé, de 7.65 m de long. Celui-ci permet de sortir en mer pour prélever des échantillons.

La seconde station zoologique du Portel (1900-1940). À partir de 1900, l’université de Lille finance la construction de la station zoologique du Portel (figure 2), située sur la commune du Portel, dans le porte de Boulogne-sur-mer, au pied de la digue Carnot. Un entrepôt est construit pour les engins de pêche et pour abriter une pompe alimentant en eau de mer les aquariums. Il y avait également 10 chambres pour le personnel et un logement pour le directeur. De nombreux travaux ont été réalisés grâce à ce laboratoire maritime : de 1888 à 1939, plus de 200 thèses, mémoires et notes ont été produites.

Pendant la Première Guerre mondiale, le laboratoire du Portel a servi de caserne pour les troupes anglaises. Il a été endommagé, et n’a pu rouvrir après reconstruction qu’en 1924. Il a ensuite fonctionné de 1924 à 1939, toujours rattaché à l’Université de Lille. Il a été détruit en 1940, par les bombardements du port par les Alliés, et n’a pas été reconstruit. 

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Figure 2: Photo de la station zoologique du Portel de l’Université de Lille, construite en 1900  

Le laboratoire du Portel d'Alfred Bétencourt (1888)

Il y eut pendant plusieurs années, à partir de 1888, deux laboratoires marins au Portel. En effet, voyant que son concurrent et "ennemi" Paul Hallez y établissait un laboratoire, Alfred Giard, qui avait mauvais caractère, décida d'y ouvrir le sien. Il avait rencontré sur la plage de Wimereux un riche industriel, également amateur éclairé de zoologie, Alfred Bétencourt (1842-1904). En collaboration avec celui-ci, il a fondé un laboratoire au Portel, qui est décrit dans un article de la revue de Giard, le Bulletin Scientifique de la France et de la Belgique (vol. XX, 1889): "le laboratoire est situé sur le quai ouest: il n'est séparé de la mer que par la largeur de ce quai qui surplombe la plage d'au moins vingt mètres" (figure 3). Ce laboratoire comportait une salle d'habitation, une bibliothèque, des aquariums et des collections zoologiques. Il n'a plus été utilisé après la mort de Bétencourt en 1904, et ses collections zoologiques ont été données au laboratoire de Wimereux, et ont formé le musée Bétencourt dans une annexe de la seconde station de Wimereux, à la Pointe-aux-Oies (travaux financés par Maurice Lonquéty, demi-frère de Alfred Bétencourt).

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Figure 3: une gravure représentant le laboratoire du Portel d'Alfred Bétencourt.

La station aquicole de Boulogne-sur-mer (1884) et Ifremer-Boulogne-sur-mer

La station aquicole de Boulogne-sur-mer (1884-1940). Pour apporter un soutien scientifique aux activités de pêche, le sénateur-maire de Boulogne-sur-mer, Auguste Huguet, a proposé de créer une station aquicole. Celle-ci vit le jour en 1884 avec Emile Sauvage, chercheur en ichtyologie au Muséeum d'Histoire Naturelle de Paris, comme premier directeur. Les missions de la station étaient d'étudier ce qui touchait aux pêches, aussi bien pour la conservation du poisson, que pour les stratégies de pêche en relation avec la ressource, ainsi que la conception de filets ou l'utilisation des déchets. Les thématiques portaient donc sur l'océanographie, la biologie des poissons, la technologie des engins de pêche, et des produits de la mer. Un élève d'Alfred Giard, Eugène Canu (1864-1952), qui travaillait sur les copépodes est devenu assistant à la station aquicole en 1891, avant d'en devenir le directeur (1894-1902), suivi par Alfred Cligny (1904-1914). En 1906 la station a disposé d'un navire à vapeur pour ses recherches (La Manche, vapeur de 26m).

Cette station a stoppé ses activités pendant la Première guerre mondiale. En 1919, elle a été rattachée à l'Office Scientifique et Technique des Pêches Maritimes (OSTPM), un établissement public rattaché au Ministère de la Marine Marchande. La station, qui était sitée à Capécure (figure 4), dans le port de Boulogne, a été détruite pendant la Seconde Guerre mondiale.

La seconde station aquicole, puis site Ifremer-Boulogne-sur-mer (1964-présent). Un nouveau bâtiment, quai Gambetta, a été construit en 1964, à l'aide de fonds de dommage de guerre. Le bâtiment a été rattaché à l'Institut Scientifique et Technique des Pêches Maritimes (ISTPM) puis lorsque l'ISTPM et le CNEXO (Centre National pour l'Exploitation des Océans) ont fusionné et créé l'Ifremer en 1984, cette station est devenue le centre Ifremer de Boulogne-sur-mer.

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Figure 4: la station aquicole en 1883, bâtiment situé à Capécure dans le port de Boulogne-sur-mer.

 

La seconde station marine de Wimereux (1899-1942)

 De façon presque simultanée, Alfred Giard et Paul Hallez ont quitté leur chalet de location et se sont installés dans un nouveau bâtiment construit pour abriter leur laboratoire. Alfred Giard a ainsi pu trouver des fonds privés et s'est fait construire, en 1899, un nouveau laboratoire à la Pointe-aux-Oies, un peu au nord de Wimereux (figure 5). Ce laboratoire était toujours rattaché à la Faculté des Sciences de Paris (La Sorbonne), et utilisé surtout pour des stages et pendant les vacances, par des étudiants et des chercheurs de la Sorbonne ou des visiteurs d'autres universités. Alfred Giard disparut en 1908 et son successeur, Maurice Caullery (1868-1958) prit la suite du laboratoire de la Sorbonne et de la station de Wimereux. Celle-ci a été fermée au moment de la Première Guerre mondiale, de 1914 à janvier 1920: les bâtiments ont été réquisitionnés pour installer un hôpital militaire australien. Après-guerre, les activités scientifiques ont repris, toujours sous la direction de Maurice Caullery. Le laboratoire n'a pas survécu à la Seconde Guerre mondiale: le bâtiment a été détruit par l'occupant allemande en 1942.

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Figure 5: la seconde station marine de Wimereux, construite en 1899 à la Pointe-aux-Oies, au nord de Wimereux. 

 

La troisième station marine de Wimereux (1959) et le Laboratoire d'Océanologie et de Géosciences (2008-présent)

Sous l’impulsion de Maurice Caullery peu de temps avant sa mort en 1958, une nouvelle station (le 3e emplacement) a été construite en 1959, à Wimereux, sur l’ancien site du casino de Wimereux. Ce bâtiment a d’abord été appelé Institut de biologie maritime et régionale de Wimereux, et était rattaché à nouveau à l’Université de Lille car la Sorbonne ayant déjà 3 stations marines (Roscoff, Banyuls, Villefranche), n'a pas souhaité continuer à Wimereux. Cet institut a pris en 1980 le nom de Station marine de Wimereux. Une extension est construite en 1986. En 1998, l’Université du Littoral, créée en 1992, construit un nouveau bâtiment à côté de la station marine : la maison de la recherche en environnement naturel. Depuis 1998, ces deux bâtiments (figure 6) sont unis dans une structure de recherche commune reconnue par le CNRS : l’unité mixte de recherche (UMR) « Ecosystèmes littoraux et côtiers » (1998-2007) suivie par l’UMR LOG, le Laboratoire d’Océanologie et de Géosciences : cette unité de recherche existe depuis le 1er janvier 2008, et s’est vue reconduite par la suite. 

La recherche effectuée a ainsi progressivement évolué : dans les années 1960-1970, les organismes ont été quantifiés, observés dans leur milieu. Dans les années 1980 et 1990 les relations de ces organismes avec leur milieu ont été considérées, montrant l’importance prise par la discipline scientifique « écologie », étudiant les relations entre un organisme et son milieu. Le laboratoire n’était alors plus composé uniquement de biologistes, mais aussi de chimistes. Les biologistes étaient plus « écologistes » et de « population ». Dans les années 1990 et 2000, les recherches sont devenues encore plus interdisciplinaires, touchant, de façon plus générale, à l’océanologie dans son ensemble. Le LOG est maintenant composé de chercheurs dont les disciplines vont de l'écologie marine, la chimie, la physique, et la géologie. Cet éventail disciplinaire permet d’appréhender le domaine océanologique dans ses multiples facettes. Cette approche plus globale est aussi une reconnaissance de la complexité du milieu marin, et de ses interactions et rétroactions non linéaires, montrant que l’étude intégrée de ce milieu demande des armes multiples.

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Figure 6: les deux bâtiments abritant à Wimereux le Laboratoire d'Océanologie et de Géosciences: à gauche la Station Marine (Université de Lille) et à droite la Maison de la Recherche en Environnement Naturel (Université du Littoral Côte d'Opale).

 

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